Castellers de Barcelone

Barcelone : À la rencontre des castellers

De passage à Barcelone, j’ai eu l’occasion d’assister au 54ème anniversaire des Castellers de Barcelone. Un castell (“château” en catalan) est une impressionnante tour humaine de six à dix étages, bâtie par des castellers, hommes, femmes et enfants à partir de cinq ans, de toute taille et toute force.

Comment se construisent de telles tours ? La réponse en vidéo se trouve plus bas dans l’article 😉 Mais avant de passer à la pratique, quelques mots d’introduction pour mieux comprendre la symbolique des castells.


Histoire des castells

L’origine des castells remonte à certaines danses du début du XVIIe siècle qui se pratiquaient dans la Catalogne sud, en pays Valencien, et se terminaient par une figure finale en forme de petite tour humaine. On parle alors de ball de valencians (“bal des valenciens”).

Au cours du XVIIIe siècle, ce type de bal s’enracine dans la région de Tarragona et la figure finale gagne en importance : la tour humaine doit être toujours plus haute, non seulement pour se dépasser soi-même, mais aussi pour dépasser celle des autres groupes.

C’est à Valls que la figure finale acquiert son autonomie pour devenir les castells que nous connaissons aujourd’hui. Les castells sont alors réalisés par des colles, qui regroupent des personnes issues de la même communauté, du même village ou de la même famille. Quand la tradition des castells se répand dans toute la Catalogne au XIXe siècle, chaque ville et village de Catalogne cherche à former sa propre colle pour participer à des concours régionaux et nationaux.

Gagnant en popularité, les colles ne cessent de se surpasser. Les techniques de construction et les formations des castellers se perfectionnent, permettant la création de tours plus stables et plus audacieuses. Le premier castell de neuf étages remonte à 1851. Mais suite à un fort exode rural, au succès de la sardana (danse traditionnelle) et à l’avènement de sports modernes comme le football, les castells déclinent jusqu’au point de pratiquement disparaître. En 1893, on assiste à El Vendrell au dernier castell de neuf étages sur près d’un siècle.

Dès 1926, de nouvelles colles voient le jour en dehors des territoires originaires des castells, ce qui provoque une forte croissance du monde casteller. On récupère des castells de huit étages et les colles choisissent des chemises colorées pour se différencier.

Les trois ans de Guerre Civile Espagnole (1936-1939) marquent un nouveau recul de l’activité castellera. Mais alors que plusieurs symboles catalans comme l’hymne national, la sardane, le drapeau et la langue sont interdits sous la dictature franquiste, les castells ne font l’objet d’aucune prohibition.

La transition vers la démocratie s’accompagne d’un important mouvement social de récupération de la rue et de revendication de la culture catalane. De nouvelles colles apparaissent en dehors du cadre traditionnel casteller et instaurent un nouveau modèle de colla. Plus proches des valeurs actuelles, les castells deviennent une activité altruiste et intégratrice.

En 1981, soit près d’un siècle plus tard, la Colla Vella dels Xiquets de Valls désassemble un castell de neuf étages. Ces castells sont alors adoptés par de nombreuses autres colles dans le pays.

Avec la présence des castells à la cérémonie des Jeux Olympiques de Barcelone en 1992, l’activité castellera connaît un véritable essor, ce qui favorise la création de nombreuses nouvelles colles. Fin des années 90, on en dénombre une soixantaine, soit deux fois plus que dix ans auparavant.

En 1993, les Minyons de Terrassa accomplissent le premier castell de la gama extra (d’une difficulté supérieure aux castells de neuf étages) et, en 1998, on construit les premiers castells de dix étages.

En novembre 2010, l’Espagne inscrit les castells au Patrimoine Immatériel de l’Humanité de l’UNESCO. Aujourd’hui, les castells sont toujours considérés comme un symbole de l’unité, de la coopération et de la culture catalane. Ils sont célébrés lors de festivals et d’événements spéciaux tout au long de l’année par près de 13.000 castellers répartis dans une centaine de colles.

Castell, mode d’emploi

Construction d’un castell

Loin d’être le fruit du hasard, un castell se construit en 3 parties, en respectant des règles architecturales bien précises :

  • La base de la tour (la pinya) est constituée par plusieurs dizaines de castellers qui se tiennent par les épaules pour former une structure stable, capable de supporter tout le poids de la tour et d’amortir la chute éventuelle des grimpeurs. La largeur de la base dépend du nombre d’étages prévus pour la tour.
  • Le tronc (tronc) se monte en autant d’étages que la figure le prévoit. Chaque étage est composé du même nombre de castellers, en commençant par les plus lourds.
  • Le sommet (pom de dalt) est formé par des enfants, obligatoirement munis de casques. C’est le ou la plus jeune (enxaneta) qui se hisse au sommet de la tour et lève le bras pour signifier que le castell est achevé. Pour être validé, un castell doit aussi être désassemblé (tous les grimpeurs doivent redescendre de façon sécuritaire).

Lorsque les castells sont composés de nombreux étages, la base est renforcée entre la pinya et le tronc avec l’ajout d’une deuxième base de soutien (folre), voire d’une troisième (manilles), conçues à la manière d’une pinya, mais plus réduite en nombre de castellers.

Le nom d’un castell dépend du nombre d’étages et de castellers par étage du tronc. Un castell “3 de 8” désigne ainsi une tour de huit étages (pinya, folre et manilles incluses), où chaque étage du tronc est formé de trois castellers.

Castellers de Barcelone
La plus jeune (enxaneta) se hisse au sommet de la tour.

En vidéo, voici ce que cela donne 😮

Minyons de Terrassa au 54ème anniversaire des castellers de Barcelone – 4 juin 2023

Déroulement des castells

S’il n’existe pas à proprement parler de règlement des castells, les normes qui régissent la construction des tours humaines sont connues de tous les castellers.

Une performance castellera comprend généralement trois castells (parfois plus) et un pilier de sortie de chaque colla participante. Les castells sont édifiés suivant un ordre convenu ou tiré au sort avant de commencer.

Si une colla ne réussit pas le castell voulu, elle peut le retenter. Les colles ne se réunissent pas pour vaincre un adversaire, elles cherchent avant tout à se dépasser et à atteindre leurs objectifs. Quand des colles rivales se rencontrent, elles cherchent bien sûr à exécuter des castells plus complexes que les autres mais il n’y a au final ni gagnant ni perdant.

Musique des castells

Pas de castell sans la musique des grallas (hautbois traditionnels catalans) et des tambours !

Lors d’une diada castellera (journée de célébration), c’est le toc de entrada qui résonne en premier sur la plaza pour annoncer le début des castells. Vient ensuite le toc del pilar caminant pour accompagner les tours en mouvement (pilar caminant). Bien que les castells restent en principe statiques, il leur arrive de se déplacer au cours de célébrations spéciales. Le défi réside alors dans le fait de parcourir une certaine distance tout en supportant le poids de la tour et en ne perdant pas l’équilibre en chemin.

Pilar Caminant – Castellers de Sabadell au 54ème anniversaire des Castellers de Barcelone

L’élévation des tours se fait au rythme du toc de castells, qui accompagne la construction en calquant son rythme et son volume selon les niveaux de difficulté. Les castellers qui soutiennent la base et ceux qui intègrent la construction peuvent ainsi coordonner leurs mouvements en suivant la mélodie. La musique évolue tout au long de l’édification et du désassemblage de la tour.

Lorsque les castells sont terminés, la musique du toc de vermut invite le public à passer à table.

Costume des castellers

À l’origine, un casteller était vêtu d’un costume de danseur valencien : pantalon et chemise de couleurs claires, écharpe, foulard sur la tête, espadrilles, grelots aux chevilles et castagnettes aux mains.

Peu pratique pour la construction d’un castell, le costume traditionnel a ensuite été simplifié : pantalon blanc, ceinture de flanelle (faixa) servant de prise aux grimpeurs, chemise colorée (couleur différente pour chaque colla) et bandana.

Seuls les castellers de la pinya portent des chaussures, les autres grimpent pieds nus.

Où et quand voir des castells ?

Traditionnellement, la saison castellera commençait à la Sant Joan (24 juin) pour finir avec la diada de Santa Úrsula fin octobre. Ce calendrier a toutefois été étendu au fil des ans et il est aujourd’hui possible de voir des castells pratiquement chaque fin de semaine sur une grande partie du territoire, soit plus de 10.000 castells.

Certaines dates sont par ailleurs plus fortement courues que d’autres, comme les Festes Majors des différents quartiers de Barcelone et la Diada Històrica de la Mercè (fête patronale de Barcelone fin septembre) qui donne lieu à une performance collective réunissant toutes les colles de la ville sur la plaza Sant Jaume.

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