Située sur le célèbre Paseo de Gracia (Passeig de Gràcia), en plein coeur de Barcelone, la Casa Batlló est l’une des attractions les plus emblématiques de la ville. La maison est l’oeuvre du célèbre architecte catalan Antoni Gaudí, considéré comme l’un des représentants les plus importants du mouvement moderniste en Espagne.
La Casa Batlló en quelques mots
La Pomme de la Discorde
Dès les années 1860, le Paseo de Gracia est tracé comme la voie principale qui relie Barcelone à la « Villa de Gracia », aujourd’hui quartier de la ville à part entière. Bordé de maisons avec jardin et de quelques hôtels particuliers, le Paseo de Gracia est d’abord une promenade pour les piétons au XIXe siècle, avant de devenir une avenue pour les automobiles à partir du XXe siècle. Peu à peu, la bourgeoisie remplace les maisons de plain-pied par des immeubles à étages, faisant du Paseo de Gracia le principal centre résidentiel de la haute bourgeoisie barcelonaise.
À l’origine, les édifices des numéros 43 (Casa Batlló) et 45 sont construits en 1877 par Emilio Sala Cortes, l’un des professeurs d’architecture de Gaudí. Tout comme le reste des constructions de l’îlot de maisons allant du 35 au 45, il s’agit alors de bâtiments conventionnels dans le style éclectique traditionnel de la fin du XIXe siècle.
En 1900, l’architecte Josep Puig i Cadafalch conçoit la Casa Amatller au numéro 41. Célèbre pour son toit en forme de pignon et ses sculptures en forme de blason, le bâtiment présente une façade néo-gothique avec des influences de style flamand. En 1902, l’architecte Lluís Domènech i Montaner transforme la Casa Lleó Morera au numéro 35. Avec des façades ornées de mosaïques et de sculptures et des balcons richement décorés, cet édifice est un autre bel exemple de l’architecture moderniste catalane.
La proximité de ces bâtiments modernistes, chacun représentant un style architectural distinct, suscite des débats et des rivalités entre les architectes de l’époque. Le bloc de maisons est alors surnommé « la Pomme de la Discorde« .
Genèse du projet
En 1903, Josep Batlló i Casanovas, un industriel du textile fortuné, fait l’acquisition de la maison située au 43 Passeig de Gràcia.
À l’époque, la famille Batlló a déjà confié la construction de plusieurs édifices à l’architecte Josep Vilaseca i Casanovas. Pour s’en démarquer, Josep Batlló fait appel à Antoni Gaudí, lauréat de la première édition du concours annuel des constructions artistiques avec la Casa Calvet.
Dans un premier temps, Batlló demande à Gaudí de détruire et de reconstruire entièrement le bâtiment mais ce dernier écarte la démolition de la Casa au profit d’une rénovation complète. De 1904 à 1906, l’architecte transforme la façade, réorganise les espaces intérieurs, ajoute deux étages et remodèle entièrement les combles et la terrasse. Profondément transformé, l’édifice passe d’une hauteur de 21 mètres à 32 mètres et d’une surface de 3100 m2 à 4300 m2.
En 1906, les autorités municipales qui doutent fortement du projet invoquent un permis de construire non délivré pour justifier l’arrêt du chantier, pourtant presque terminé. Loin d’interrompre les travaux, Batlló demande plutôt un permis pour louer les appartements, permis qui ne lui sera pas délivré avant 1913.
L’édifice est quasi fini lorsque Batlló reçoit la visite d’un associé, Pere Milà. Planifiant la construction d’un hôtel particulier, ce dernier décide, suite à sa visite, de confier à Gaudí la construction de la Casa Milà.
Histoire récente de la Casa Batlló
La Casa Batlló cesse d’appartenir à la famille Batlló dans les années 1950. Par la suite, la Casa accueille diverses entreprises et particuliers, avant d’être rachetée et restaurée dans les années 1990 par la famille Bernat, toujours propriétaires de l’édifice.
En 1995, la famille ouvre la maison au public et propose l’espace pour des événements. Dès 2002, année internationale de Gaudí, la Casa Batlló accueille également des visites culturelles.
La Casa Batlló fait aujourd’hui partie du Patrimoine mondial de l’UNESCO.
Visite de la Casa Batlló
Façade principale
Pour concevoir la façade de la Casa Batlló, Gaudí réalise quelques plans mais se base avant tout sur une maquette de plâtre qu’il modèle jusqu’à obtenir les formes ondulantes et sinueuses caractéristiques de son style architectural.
Au rez-de-chaussée et au premier étage, ou Étage Noble, la façade intègre une structure de sveltes colonnes en grès de Montjuïc, ornées d’éléments floraux, typiques du modernisme. Les formes courbes et osseuses de ces piliers évoquent l’apparence d’os humains, ce qui apporte une touche organique et inhabituelle à la Casa Batlló, aussi surnommée la « Maison des os« .
Les rambardes des balcons, réalisées en fonte de fer coulé en une seule pièce, ont une forme de masque qui n’est pas sans évoquer des crânes ou des visages humains.
Gaudí confie le travail de forge des balcons et des grilles aux frères Lluís et Josep Badia i Miarnau, à qui l’on doit aussi les portes du palais Güell et les balcons de la Casa Milà.
Gaudí ajoute une touche de dynamisme à l’extérieur du bâtiment en recouvrant la façade d’un trencadis dont les tons de bleu et de vert rappellent ceux du corail naturel.
Typique de l’architecture moderniste catalane, le trencadis est un type de mosaïque à base d’éclats de céramique que Gaudí est le premier à utiliser pour couvrir des surfaces courbes ne permettant pas la pose de carreaux de céramique entiers.
Toit-terrasse
Gaudí conçoit la toiture de la Casa Batlló de manière fonctionnelle. Il tient compte de l’écoulement des eaux de pluie, de l’aération naturelle du bâtiment et de l’espace disponible pour y créer une terrasse à la fois esthétique et pratique, qui offre des vues imprenables sur Barcelone.
➜ Ne pas hésiter à se poser quelques minutes à l’une des tables du bar installé sur le toit-terrasse pour bien profiter du panorama…
Un peu en retrait par rapport à la rue, la toiture est une sorte de crête faite de céramiques colorées dont la forme en écailles évoque le dos d’un animal et suscite de nombreuses interprétations. Au sommet de la tour, une croix à quatre branches indique les quatre points cardinaux.
Le toit-terrasse est un espace rectangulaire divisé en son centre par les lucarnes des patios intérieurs. À l’avant, des réservoirs d’eau, indispensables à une époque où l’eau courante manquait de pression suffisante pour fournir les conditions de confort requises, sont dissimulés dans une grande pièce qui coïncide avec la partie haute de la façade.
Spécialement conçues pour empêcher l’air de refluer, plusieurs cheminées, regroupées comme des champignons, sont recouvertes de fragments de verre et de trencadís polychromes aux motifs floraux. Chacune des sorties de fumée est recouverte d’une hotte en forme de pyramide dont la pente raide permet d’écouler l’eau de pluie.
Intérieur de la Casa Batlló
L’intérieur de la Casa Batlló est à l’image de son enveloppe extérieure : un mélange d’esthétisme et de fonctionnalité. Du hall d’entrée aux combles, Gaudí collabore avec les meilleurs artisans de l’époque et intervient à tous les niveaux pour ne rien laisser au hasard.
Le bâtiment est conçu comme une maison haut de gamme dont les deux étages inférieurs sont occupés par Josep Batlló et sa famille tandis que les étages supérieurs sont loués en tant qu’appartements.
Hall d’entrée
Au rez-de-chaussée, un hall d’entrée communautaire est décoré avec une rampe en céramique aux couleurs bleue et blanche. Un peu plus loin se trouve l’ascenseur moderniste qui dessert tous les étages locatifs.
Sur la gauche, une imposante grille en fer forgé permet d’accéder au hall privé de la famille Batlló. Les murs ondulés ne font qu’un avec le plafond, doté de deux grandes claires-voies décorées de verres hexagonaux, qui permettent l’arrivée de la lumière à la façon d’une ruche.
Les formes courbes des cloisons, des portes et des fenêtres évoquent l’intérieur d’un bateau tandis qu’au fond du vestibule, un majestueux escalier en bois de chêne dessine la colonne vertébrale d’un monstre géant dans sa grotte. L’ambiance, sous-marine, rappelle le monde fantastique de Jules Verne, très en vogue à l’époque.
Étage Noble
En haut de l’escalier, une pièce de desserte donne accès aux différentes pièces de l’Étage Noble, véritable symbole du mode de vie bourgeois de l’époque, et dont les murs présentent tous un motif de craquelure caractéristique, obtenu par une technique de stuc à la chaux de différentes tonalités.
Longtemps dissimulé sous plusieurs couches de peinture, le revêtement originel des murs de l’Étage Noble a pu être remis à jour suite à d’importants travaux de restauration qui ont souligné le caractère exceptionnel du travail réalisé à l’époque.
Dans le bureau de Josep Batlló, qui est agrémenté d’une cheminée en forme de champignon et de grandes portes en chêne aux formes organiques, les incisions dans le stuc ont été remplies à la feuille d’or, ce qui donne une allure d’autant plus riche et surprenante à la pièce.
Viennent ensuite le salon central, situé en façade principale, et sa grande verrière au profil sinueux qui permet de voir tout en étant vu. En son centre, des fenêtres à guillotine coulissent par le biais de contrepoids dissimulés aux extrémités, dévoilant ainsi un Paseo de Gracia sans aucun obstacle visuel. De chaque côté, le salon central communique avec des petits salons plus intimes. Les immenses portes en chêne qui séparent les pièces peuvent néanmoins s’ouvrir complètement pour ne former qu’un seul espace de réception.
Sinueux et courbé, le faux-plafond en relief prend la forme d’une impressionnante spirale géante que certains interprètent comme le mouvement de l’eau dans un tourbillon d’eau, d’autres comme une galaxie ou une représentation héliocentrique.
Patio extérieur
À l’opposé du salon central, la salle à manger privée des Batlló donne sur la façade arrière de la Casa. Ici, pas de tourbillon au plafond mais la reproduction des éclaboussures formées à la surface de l’eau par la chute d’une goutte.
De la salle à manger, on accède au patio extérieur en passant entre deux grandes claires-voies qui illuminent les sous-sols. De chaque côté, des grilles bombées aux formes complexes protègent les fenêtres.
Au fond de l’espace terrasse, un mur au profil ondulé dissimule la propriété des regards extérieurs. Décoré de trencadis de forme parabolique, ce mur rappelle la forme des arcs dans les combles. Jaillissant du mur, des jardinières faites avec les mêmes disques en céramique que la façade principale donnent l’impression d’évoluer dans un jardin suspendu.
Ascenseur et patios intérieurs
Une cage d’escalier centrale et un ascenceur moderniste, toujours fonctionnel, desservent les étages locatifs.
Afin d’obtenir une meilleure ventilation et une répartition équilibrée de la lumière dans tout le bâtiment, Gaudí crée deux patios intérieurs de chaque côté de la cage d’escalier.
Dans la même logique, Gaudí combine ingénierie et décoration lorsqu’il installe des fenêtres plus grandes aux étages inférieurs et fait varier les nuances des carreaux de céramique du bleu foncé en haut au bleu clair en bas, obtenant ainsi une distribution plus uniforme de la lumière dans tout l’édifice.
Combles
Au dernier étage, les combles accueillent les dépendances et les pièces de service (buanderies, rangement) autrefois réservées aux locataires des différents appartements de l’immeuble. Gaudí y utilise l’une de ses techniques clefs pour soutenir le toit : l’arc caténaire.
Semblables à la cage thoracique d’un animal, soixante arcs caténaires sont distribués en deux couloirs le long des patios intérieurs. Ils forment des espaces latéraux qui régulent la lumière. Caractérisés par la simplicité de leurs formes et l’omniprésence des jeux de lumière, les combles représentent l’un des espaces les plus insolites de la Casa Batlló.
Interprétation de l’oeuvre
Gaudí n’a jamais expliqué son oeuvre, ce qui a donné lieu à de nombreuses interprétations.
La légende de Sant Jordi
Gaudí était un fervent catholique. Pour beaucoup, la Casa Batlló est une représentation de la légende de Sant Jordi (Saint Georges), selon laquelle Saint Georges, saint patron de la Catalogne, terrasse le dragon de son épée pour sauver la princesse et la population de la furie de l’animal.
Selon cette interprétation, le couronnement de la façade représenterait le dos du dragon, avec des tuiles en céramiques en guise d’écailles et une petite ouverture dans la toiture en guise d’oeil, terrassé par l’épée de Saint Georges, dont le pommeau serait symbolisé par la croix à quatre branches en haut de la tourelle. À l’intérieur de l’édifice, la grande salle avec les arcs caténaires figurerait la cage thoracique du dragon et l’escalier en bois du hall d’entrée serait sa queue. Sur la façade principale, les masques en forme de crânes et les colonnes en forme d’os rappeleraient les ossements des victimes tandis que le balcon en forme de fleur serait celui de la princesse.
Paysage aquatique
D’autres voient dans la façade de la Casa Batlló l’ondulation d’un tapis polychrome à dominance de verts et de bleus inspiré des Nymphéas de Monet tandis que les cloisons courbées, les craquelures sur les murs et les boiseries des espaces intérieurs évoquent une ambiance sous-marine très proche du monde fantastique de Jules Verne.
Pour Salvador Dalí, l’interprétation marine ne fait aucun doute : « Gaudí a construit une maison d’après les formes de la mer, en représentant les vagues par un jour calme. »
Expérience immersive
Escalier de Kengo Kuma
Après un passage par les combles et le toit-terrasse, la visite de la Casa Batlló se clôture par la descente d’une cage d’escalier où 164.000 chaînes en aluminium sont travaillées en couches par l’architecte japonais Kengo Kuma pour créer une œuvre sculpturale faisant référence aux formes organiques de la Casa Batlló.
À mesure que l’on descend les escaliers, le rapport à la lumière change, chaque étage présentant un dégradé unique de couleurs. Plus claires au sommet, les chaînes en aluminium s’assombrissent jusqu’à devenir noires lorsqu’elles atteignent les anciennes charbonnières du sous-sol.
Le rideau de Kuma se prolonge dans l’atrium et la trémie de l’escalier qui relie le rez-de-chaussée aux nouveaux espaces d’exposition créés au sous-sol dans le cadre de la Casa Batlló 10D Experience, qui vise à offrir aux visiteurs une expérience immersive dans l’esprit de Gaudí.
Gaudí Cube by Refik Anadol
C’est dans ce cadre que l’artiste Refik Anadol présente des images et des données sur Gaudí rassemblées à l’aide de l’intelligence artificielle et présentées sous forme de cube.
Gaudí Cube by Refik Anadol, c’est une installation immersive unique au monde, qui présente le premier cube LED à 6 faces et qui se base en amont sur la plus grande bibliothèque numérique au monde sur Gaudí.
Après un travail de recherche colossal, l’utilisation de l’Intelligence Artificielle et de processeurs d’apprentissage automatique avancés a permis de déchiffrer les modèles de construction, les structures biomimétiques et la logique de conception qui font la marque de Gaudí.
Informations pratiques
- La Casa Batlló se situe au 43, Passeig de Gràcia. On y accède en métro (Passeig de Gràcia L2, L3 et L4), en bus (lignes H10, V15, 7, 22 et 24) ou à pied lors d’un circuit à la découverte de l’oeuvre de Gaudí.
- La Casa Batlló est ouverte tous les jours de l’année, de 9h00 à 20h00 (dernier accès à 19h15).
- Le prix d’entrée est de 35€ par adulte. L’entrée est gratuite pour les enfants jusqu’à 12 ans. En achetant vos billets à l’avance sur le site officiel de la Casa Batlló, vous pouvez choisir la plage horaire qui vous convient.
- Des audioguides et des visites guidées sont proposés dans différentes langues.
- Il est possible de prendre un verre sur le toit-terrasse.
- Sur place, la magnifique boutique Simbolic propose articles et souvenirs divers.