Au programme de notre première journée de citytrip à Lisbonne : la découverte de l’Alfama, de Graça et de la Mouraria, trois quartiers porteurs d’histoire et de traditions locales.
L’Alfama, Graça et la Mouraria en quelques mots
L’Alfama et la Mouraria, l’ancienne medina de Lisbonne
Sous l’occupation romaine, l’Alfama est un quartier résidentiel occupé par la classe supérieure de la société. En attestent plusieurs vestiges archéologiques, dont des bains publics romains.
Lorsque les Maures envahissent le Portugal au VIIIe siècle, ils transforment l’Alfama à l’image des medinas de Casablanca, de Marrakech ou de Tanger et construisent autour de l’ancienne citadelle un réseau complexe de petites ruelles pensées comme système de défense contre les envahisseurs. Le quartier de la Mouraria devient pour sa part le lieu de résidence attitré de la population musulmane (mouro signifie « Mauritanien » ou « Maure »).
Avec le retour du christianisme au XIIe siècle, l’Alfama s’agrandit et devient un quartier résidentiel réservé à la noblesse et à l’élite chrétiennes. Les Maures sont quant à eux contraints de quitter la ville ou de se cloîtrer dans la Mouraria. Quartier pauvre et ghetto des Maures, la Mouraria deviendra le berceau du fado et de ses mélodies tristes…
Seul quartier à avoir étonnamment bien résisté au tremblement de terre de 1755, l’Alfama voit néanmoins ses habitants déserter pour trouver refuge plus à l’ouest, à l’abri des séismes. Les familles aisées laissent leur place aux pêcheurs et marins de passage en recherche de quelques distractions avant d’embarquer vers les nouvelles colonies portugaises. L’Alfama rime alors avec prostitution, criminalité et médiocres conditions de vie.
Dans la première moitié du XXe siècle, la population de Lisbonne connaît un essor fulgurant et les logements viennent à manquer. L’Alfama accueille alors bon nombre de nouveaux résidents, et avec eux, les capitaux qui permettent de restaurer le quartier. Peu à peu, les maisons aux façades défraîchies font place à de nouvelles enseignes flambant neuves. La magie opère toujours mais pour combien de temps encore ?…
Avec ses ruelles étroites et sinueuses, ses maisons colorées, ses escaliers en colimaçon et ses façades couvertes d’azulejos, l’Alfama est un quartier pittoresque qui reflète l’essence même de Lisbonne.
Au fil des siècles, musulmans, juifs et chrétiens continuent de vivre côte à côte dans la Mouraria, faisant du quartier un véritable lieu d’échanges et de rencontres multiculturelles. Mais au cours du XXe siècle, le quartier connaît des périodes de déclin économique et de pauvreté qui engendrent des problèmes de drogue et de délinquance. Un temps malfamé, le quartier de la Mouraria connaît aujourd’hui le même renouveau urbain observé il y a peu à l’Alfama.
Malgré les transformations urbaines en cours, l’Alfama et la Mouraria conservent leur héritage mauresque, leur caractère médiéval et leur forte identité populaire. Leurs ruelles sinueuses, leurs maisons colorées et leur ambiance pittoresque, fortement appréciée des visiteurs, en font des quartiers emblématiques de Lisbonne.
Graça, authenticité et miradouros
À proximité de l’Alfama et de la Mouraria, perché sur la plus haute colline de Lisbonne, Graça est un quartier connu pour sa tranquilité, son atmosphère authentique et ses superbes vues panoramiques.
Lorsque les forces chrétiennes reprennent Lisbonne au XIIe siècle, Graça devient, tout comme l’Alfama, un lieu de résidence pour la noblesse et les classes supérieures de la société chrétienne. Le quartier devrait d’ailleurs son nom à la chapelle de Nossa Senhora da Graça dont la construction remonterait au XIIIe siècle.
Au cours des siècles, Graça se développe comme quartier résidentiel et attire une population variée. Des églises, des couvents et des palais y sont construits, ce qui ajoute à son importance historique et architecturale. Mais comme de nombreux quartiers de Lisbonne, Graça subit d’importants dommages suite au séisme de 1755.
Ayant par la suite connu des périodes de transformation et d’aménagement urbain, Graça a su préserver son caractère unique et son ambiance chaleureuse. Théâtre de festivals et de nombreuses célébrations locales, notamment les festivités de Santo António en juin, le quartier est surtout fréquenté pour ses ruelles pittoresques et ses magnifiques vues panoramiques sur la ville.
Itinéraire d’une journée dans l’Alfama, la Mouraria et Graça
L’Alfama, la Mouraria et Graça sont tous trois facilement accessibles en transports en commun. Depuis le centre-ville, on peut même rejoindre la Mouraria et l’Alfama à pied, en profitant d’une belle promenade à travers un labyrinthe de ruelles escarpées aux façades colorées.
L’itinéraire suggéré ci-dessous peut se faire en moins de deux heures mais n’hésitez pas à prendre la journée pour parcourir à votre aise les 4 kilomètres de cette boucle. C’est en se perdant dans le labyrinthe de ruelles de l’Alfama et de la Mouraria qu’on peut en apprécier tout le charme 😍
Notre appartement étant situé en plein coeur de la Mouraria (Largo dos Trigueiros), nous empruntons à pied la Calçada do Marquês de Tancos et la Rua do Milagre de Santo António en direction du premier miradouro de la journée. Nombreux sont les touristes qui évitent la grimpette en embarquant dans le fameux tramway 28 😅
En chemin, pause petit-déjeuner sur la charmante terrasse du Audrey’s Cafe ☕
À quelques mètres en contrebas, deux belvédères offrent une vue panoramique sur la ville et les maisons traditionnelles de l’Alfama : le miradouro de Santa Luzia et le miradouro das Portas do sol.
Miradouro de Santa Luzia
À proximité immédiate du très fréquenté miradouro das Portas do sol, le miradouro de Santa Luzia est un belvédère qui offre une vue imprenable sur le Tage et les toits rouges de l’Alfama. Les points de vue caractéristiques sont, de gauche à droite, le monastère São Vicente de Fora, le dôme du Panthéon National, l’église de Santo Estêvão et les deux tours blanches de l’église de São Miguel.
Véritable hâvre de paix, le belvédère de Santa Luzia est composé de deux niveaux : l’un comporte une terrasse à colonnes couverte de vigne ; l’autre un petit jardin entouré de bougainvilliers.
Au centre du jardin, également connu sous le nom de Praça Júlio de Castilho, se trouve un buste de l’écrivain Júlio de Castilho, célèbre olisopographe (de Olisipo, nom antique de Lisbonne).
Datant du XVIIIe siècle, l’église de Santa Luzia (Igreja de Santa Luzia) se trouve juste à côté du belvédère. Sa façade sud est décorée de deux panneaux d’azulejos conçus par António Quaresma : l’un représente la Praça do Comércio (Place du Commerce de Lisbonne) telle qu’elle était avant le tremblement de Terre de 1755 ; l’autre la prise du château de São Jorge par les catholiques en 1147.
➜ Situé juste derrière, la vue offerte depuis le miradouro das Portas do sol ne diffère pas beaucoup du miradouro de Santa Luzia. Il est par contre intéressant d’emprunter l’escalier qui serprente le long du belvédère pour admirer la fresque History of Lisbon.
History of Lisbon
Peinte en 2016 sur les deux côtés de l’arche d’un minuscule tunnel, la fresque History of Lisbon de Nuno Saraiva dépeint l’histoire de Lisbonne au format bande dessinée.
Basé à Lisbonne, Nuno Saraiva est un artiste multidisciplinaire portugais connu pour ses illustrations, ses dessins et ses peintures murales. Combinant des éléments du graffiti, de l’illustration et du street art, le style de Nuno Saraiva se caractérise par des traits de pinceau expressifs, des couleurs vives et des personnages humoristiques. Ses œuvres abordent souvent des thèmes liés à la culture populaire, à l’histoire, à l’architecture et à la vie quotidienne de Lisbonne.
La fresque commence avec la fondation de la ville par les Phéniciens, continue à travers l’Inquisition portugaise, dépeint le terrible tremblement de terre de 1755 et se termine avec la Révolution des Œillets, le coup d’État du 25 avril 1974 qui a restauré la démocratie en renversant un dictateur.
Vandalisée en 2021, des étudiants de l’école d’art et de design de Caldas da Rainha se sont efforcés de la restaurer, avant de la voir à nouveau abîmée.
À quelques mètres à gauche, sur la Rua de São Tomé, une oeuvre de l’artiste de street art VIHLS célèbre la chanteuse de fado Amália Rodrigues. Réalisée dans un dallage de style traditionnel portugais en collaboration avec l’équipe de paveurs de la ville, l’oeuvre intitulée Calçada (trottoir) rend également hommage aux paveurs eux-mêmes, qui, au fil du temps, ont contribué au développement d’un art décoratif devenu partie intégrante de l’identité visuelle du Portugal.
Plus loin sur la droite, l’étroite ruelle Beco dos Loios est en fait une série d’escaliers reliant la Rua de São Tomé à la Rua de São Vicente, en direction du mosteiro de São Vicente de Fora.
Mosteiro de São Vicente de Fora
De style roman, le premier monastère Saint-Vincent de Fora, également connu sous le nom de mosteiro de São Vicente de Fora, est fondé en 1147 par Alphonse Ier, le premier roi portugais. Situé en dehors des remparts de la ville (de Fora signifie « hors les murs »), il est dévoué à Saint Vincent de Saragosse, saint patron de Lisbonne. À l’époque, c’est l’un des monastères les plus importants du Portugal médiéval. L’édifice actuel, commandité vers 1582 par le roi Philippe II d’Espagne, est une reconstruction érigée sur l’emplacement de l’ancienne édifice médiéval.
Érigée entre 1582 et 1627, l’église du monastère (Igreja de São Vicente de Fora) présente une majestueuse façade austère qui suit le style Renaissance connu plus tard sous le nom de maniérisme.
À côté de l’église, un magnifique portail baroque donne accès au monastère et à ses deux cloîtres.
Avec leurs arcs en ogive, les cloîtres sont un impressionnant exemple de l’architecture manuéline, style architectural portugais caractéristique de l’époque des grandes découvertes. Leurs murs sont décorés d’azulejos représentant diverses scènes profanes (promenades, chasse, pêche), inspirées des gravures françaises.
L’ordonnance du monastère était l’ancienne entrée principale de l’édifice. C’est donc l’un des espaces les plus richement décorés. On y trouve un plafond peint en trompe-l’œil en 1710 par Vincenzo Baccarelli, des murs recouverts de panneaux d’azulejos, dont l’un raconte le siège de Lisbonne en 1147, et un sol revêtu de marbre rose et gris.
Le hall d’entrée n’est toutefois pas le seul endroit où l’on peut admirer des azulejos puisque le monastère possède près de 220 panneaux composés de plus de 100.000 azulejos, ce qui en fait le plus grand ensemble d’azulejos baroques au monde.
Autre singularité : la représentation en azulejos des fables de La Fontaine ! Entre le XVIIIe et le XXe siècle, les arcades des cloîtres ont en effet été fermées et décorées de 38 panneaux d’azulejos représentant les fables de Jean de La Fontaine. Lors de la réouverture des cloîtres, les panneaux ont été retirés et restaurés afin d’être exposés dans le monastère. À ce jour, le choix de ce thème pour la décoration du monastère reste toujours inconnu.
À côté des cloîtres du monastère, l’ancien réfectoire des moines a été transformé au XIXe siècle en Panthéon royal pour la dynastie de Bragance. Ce panthéon accueille les dépouilles de 59 membres de la deuxiéme maison de Bragance, une dynastie qui a régné sur le Portugal de 1640 à 1910.
➜ Ne clôturez pas votre visite sans accéder à la terrasse sur le toit du monastère ! Vous y découvrirez l’un des plus beaux points de vue de Lisbonne, avec une vue panoramique à 360º sur la ville et le Tage 🤩
Occupé par des religieuses de l’ordre des Clarisses jusqu’en 1834, l’édifice est aujourd’hui toujours utilisé comme monastère, abritant une communauté religieuse masculine. Les bâtiments du monastère sont néamoins ouverts au public.
Bon à savoir
- Situé Largo de São Vicente, le monastère São Vicente de Fora est facilement accessible en taxi, en bus, en tramway ou à pied lors d’une ballade dans le quartier d’Alfama.
- Le monastère est ouvert tous les jours de 10h00 à 18h00 (dernière admission à 17h00)
Jours de fermeture : 1er janvier, Vendredi saint, jour de Pâques, 1er mai et 25 décembre - Le prix du billet est de 5€ pour les adultes.
- Plusieurs visites guidées sont proposées sur place. Consulter le site pour plus d’informations.
Passage sous l’arco Grande de Cima pour descendre vers le marché de Santa Clara. Dans les environs, plusieurs maisons sont dotées de magnifiques façades en azulejos, notamment le Casa dell’Arte Club House.
Mercado de Santa Clara
Le marché de Santa Clara (mercado de Santa Clara) est un petit marché couvert situé dans le quartier d’Alfama, entre le monastère São Vicente de Fora et le Panthéon National. Inauguré en 1877, l’édifice a subi plusieurs rénovations mais son caractère traditionnel a été préservé au fil des ans. Sur les étals des vendeurs, produits frais, produits alimentaires locaux, fleurs, artisanat et souvenirs attendent touristes et citadins.
À Campo de Santa Clara se tient aussi un célèbre marché aux puces, la Feira da Ladra (littéralement « marché des voleurs »). Remontant au XIIIe siècle, c’est le marché le plus ancien et le plus connu de Lisbonne. Après avoir connu divers emplacements, il s’est établi à Campo de Santa Clara en 1903. On y trouve, dans une ambiance authentique et animée, une multitude d’articles, des vêtements d’occasion aux meubles en passant par des livres et des disques vinyles.
Bon à savoir
- La Feira da Ladra se tient généralement les mardis et samedis, de 9h à 18h.
En direction du miradouro da Graça, sur la Travessa de São Vicente, une fresque de Mr Dheo et Pariz One évoque la Révolution des Oeillets qui a renversé Salazar le 25 avil 1974. Réalisée en 2014 sur les murs d’une école primaire, cette murale utilise des éléments de la culture populaire enfantine de façon satirique.
Au bout de la rue, près de l’église de Graça (Igreja da Graça), le Jardim da Graça est un espace verdoyant qui offre une belle vue panoramique sur Lisbonne.
Igreja Paroquial da Graça
L’église paroissiale de Graça (Igreja Paroquial da Graça) se trouve au sommet de la colline de Graça, à proximité du belvédère du même nom. Construite au XIIIe siècle, l’église a été rénovée et agrandie au fil des siècles, subissant notamment des ajouts baroques aux XVIIe et XVIIIe siècles.
Miradouro da Graça
Accueillant toujours des messes et des célébrations religieuses, l’église est surtout connue des touristes pour sa plate-forme d’observation (miradouro da Graça) qui offre de magnifiques vues panormiques sur le château de São Jorge, le fleuve Tage et les toits de la ville.
Castelo de São Jorge
Quelques centaines de mètres plus bas, perché sur une colline, le château São Jorge (castelo São Jorge) est un monument emblématique et un point de repère incontournable à Lisbonne.
Bien que ses origines exactes ne soient pas claires, l’histoire du château remonterait à l’époque romaine. Agrandi et renforcé par les Maures au IXe siècle et devenu une résidence royale et une forteresse après la reconquête chrétienne de Lisbonne en 1147, le château combine des éléments mauresques, romans et gothiques.
➜ Hormis pour les amateurs d’architecture militaire médiévale, le château São Jorge ne présente pas beaucoup d’intérêt. La vue panoramique y est par contre très belle.
Bon à savoir
- Le château São Jorge est ouvert tous les jours de 9h à 18h, jusqu’à 21h de mars à octobre.
- Le prix du billet est de 8,5€.
Dernier arrêt de la journée, le Patio de dom Fradique, situé juste à côté du miradouro do Recolhimento, pour y découvrir plusieurs oeuvres de street art. La fresque réalisée par Mikael Omik offre une autre prespective du château São Jorge…
